Vous avez dit “carême” …

Vous avez dit "carême" …
Un carême protestant… ? Aujourd’hui, quelle place peut-on donner au Carême au sein de notre Église issue de la Réforme protestante du XVIe siècle ? Cela fait maintenant plusieurs années que l’Église issue de la Réforme retrouve l’utilité de ce temps précédant Pâques. Il n’existe, bien entendu, aucune règle institutionnelle en la matière. Mais le Carême peut, dans notre vie chrétienne, correspondre à un temps de réflexion. Une période pendant laquelle on peut se demander, ou se redemander, ce que signifie être disciple du Christ dans notre quotidien. Autrement dit, ce temps devient l’occasion de prendre du recul, de faire un bilan des orientations que l’on donne à sa vie. En mesurant l’écart entre la réalité et ce que Dieu pourrait attendre de nous. Cela procède plus de la réflexion que d’actes concrets, et plus de la pédagogie chrétienne que du fondement de la foi protestante. Comment les protestants préparent-ils Pâques ? Au moment de la réforme, le carême était associé à un contexte de bonnes œuvres, à un esprit de contrition. Les réformateurs affirment que l’homme est sauvé par la seule grâce. Une préparation à Pâques qui passe par des privations ou des œuvres, dont le but serait de se faire pardonner ne se justifie donc pas pour les protestants. Le jeûne, disait Calvin, n’est pas méritoire, il n’est digne d’aucune louange particulière. Et avec Luther, ils s’accorderont pour affirmer que c’est la vie toute entière du chrétien qui est pénitence. Concrètement, quelle traversée du carême est proposée aujourd’hui ? Notre communauté issue de la Réforme protestante n’est pas directive en la matière. Elle affirme que chacun est libre de vivre ce temps de préparation à Pâques selon ses convictions et ses habitudes sociales et familiales. Cette posture est d’autant plus significative pour elle que les apôtres n’ont laissé aucune consigne. Et Dieu dans tout ça ? Dans leur sagesse, les commentateurs juifs disaient que le nom de Dieu était imprononçable. Puisqu’on ne peut pas prononcer son nom, on ne peut pas lui mettre d’étiquette. On ne peut pas se l’approprier. Toute tentative pour le définir est vaine. On ne peut pas le mettre dans une boite, pas même la dernière : le cercueil, car le tombeau est vide. Il est insaisissable et pourtant si proche. Il est inconnu et pourtant si familier. Il nous enveloppe. C’est comme le ciel : ne dit-on pas « notre père qui est aux cieux » ? Carême, chemin vers Dieu qui nous vide de nos dieux ? L’écrivain Valère Novarina, dans une conférence du carême à Notre-Dame de Paris faisait remarquer que Dieu est l’anagramme de vide, pour autant qu’on veuille bien, comme les latins, ne pas distinguer le u du v. Il dit la chose suivante : « Dans notre langue, il y a une splendide anagramme du mot Dieu, c’est le vide. […] Dieu est un mot en silence, un appel, un trou d’air qui permet à l’esprit de retrouver souffle et mouvement – comme dans ce jeu où, dans un carré, trente-six lettres permutent autour d’une case vide. C’est un appel d’air qui nous délivre le mouvement : un rien qui permet notre jeu et nous donne liberté. Aucun mot ne troue autant : c’est dans le langage un mot ouvrant, un mot aimant, un vide […]. Un mot à l’envers de tous les mots et qui remet en mouvement l’esprit… » Carême, chemin vers Pâques, vers le Christ, visage humain de Dieu qui vide l’humanité des images fausses et souvent dangereuses de la divinité. Par Basile Zouma
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